Sainte Victoire continue à tracer son chemin de son et d’image avec le superbe RED D1 qui succède au non moins magnifique « Toute la nuit ». Une ambiance horrifique cette fois-ci, car il s’agirait de ne pas tourner en rond. En quelques vidéos, la chanteuse a su créer son style. Elle nous explique dans un échange le fond, vu que la forme est impeccable. On la remercie d’avoir choisi BEST, pour nous présenter son clip.

Pourquoi ce titre énigmatique ?


Fin 2021, j’ai gagné un accompagnement avec le Red House Studio et le fond Rénier pour la création, on est donc partis à trois « producteurs » pour faire une résidence de création sur une semaine. On s’était mis comme objectif de créer un morceau par jour tous les matins. Red D1, c’est donc le premier morceau que j’ai écris au Red House (D1 = Day One). J’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à me mettre à créer et à trouver l’inspiration. Pour me détendre, je me suis mise dans le jeu vidéo que je jouais à ce moment là, c’est à dire Half-Life 2. Ça m’a alors donné envie de faire un morceau avec des sons de jeu vidéo dans les batteries, ce qui est le cas dans ce titre. Ce sont des sons de guns de Half Life 2 qui ouvrent le début de Red D1.
J’ai gardé le titre car je trouvais qu’il représentait parfaitement le morceau, énigmatique et en même temps assez terrifiant, D1 sonnant en anglais quasiment comme le mot Demon et la couleur rouge comme empreinte visuelle très forte de la violence et de la vengeance.

Il semble y avoir des références horrifiques dans ton clip, tu es fan de cet univers ?

Fan, c’est un bien grand mot. J’ai toujours eu horriblement peur des films d’horreur, encore aujourd’hui je tremble de peur avant d’aller voir un film d’horreur au cinéma. Néanmoins, ce sont des films qui me font souvent vibrer, car ils me font ressentir des émotions violemment. De plus, Red D1 parle d’idée de vengeance, de rancoeur. Je pense souvent à Carrie de de Palma, Thelma de Joachim Trier ou Grave de Julia Ducourneau lorsque je chante le morceau par exemple. Donc oui, certains films d’horreur ont une place très important dans mon univers musical, parce qu’ils parlent de l’intérieur, de l’intimité, du corps et de nos angoisses.

J’ai vu tes clips, et même si il y a des univers différents tout semble cohérent, tu travailles avec les mêmes personnes ?

J’ai toujours voulu que mes clips puissent être une collaboration artistique avec des réalisateurs qui partagent une esthétique commune avec moi. J’ai d’abord collaboré avec Nicolas Mongin pour le clip EMPTY pour avoir une esthétique science-fictionnelle, puis ensuite avec Maxime Baudin et Animal Animal pour plus de douceur et d’intime avec Toute La Nuit. Nous avons continué notre collaboration avec Maxime et Animal Animal pour Red D1 et les prochaines vidéos à venir de mon prochain EP car on s’est réellement compris sur ce mix entre noirceur et douceur, force et faiblesse etc… J’aime énormément en tout cas travailler avec une équipe qui se renforce à chaque projet et qui avance en même temps que moi.

Le travail de l’image est donc important pour toi, c’est une passion ?

Clairement central dans mon projet, car Sainte Victoire sans image n’est qu’une voix, alors qu’avec une image, je peux prendre vie dans différents contextes, différentes situations qui vont pouvoir toucher plus ou moins certaines personnes, et pour moi le principal c’est que mon projet puisse atteindre et toucher des personnes extrêmement différentes, et leur donner une profonde inspiration.
D’ailleurs, en parlant d’image, les seules études que j’ai faite dans ma vie étaient des études de cinéma, j’ai réalisé plusieurs courts-métrages et je me suis spécialisée en montage pour gagner ma vie à un moment. L’image a donc toujours eu une place plus que primordiale. Mais néanmoins, la musique reste ma passion la plus intense dans ma vie et la seule sur laquelle je peux vraiment passer des semaines entières à ne faire que ça.

Au final quand on écoute ta musique, on sent un narratif et un appel à l’image, que penses- tu du travail d’un Woodkid par exemple ?

Woodkid est l’une des grosses références de mon travail, car effectivement, je crée en pensant à comment ma musique va pouvoir être utilisée autrement, et je pense que lui aussi. Son esthétique à la fois musicale et visuelle vont de pair, et c’est véritablement quelque chose que j’essaie d’atteindre aujourd’hui car je pense qu’il est véritablement important pour un artiste d’être reconnaissable dans sa direction artistique et de pouvoir permettre à d’autres créateurs d’être inspiré par ce que l’on crée. De même pour les paroles, il est toujours important qu’elles puissent être évocatrices, inspirantes, voire même énigmatiques comme dans Red D1. Elles n’ont pas forcément de sens, mais peuvent évoquer des images fortes, comme l’ont fait avant moi les Couteaux Twins ou Bon Iver par exemple. L’image, les paroles, la musique, tout a vocation d’être assemblé pour former un tout, une sorte d’art total qui permet d’englober et d’imprégner.

Interview : Hodbert Florian