Au-dedans de Will McPhall
Editions 404 Graphic -26,50€
Un article de Bruce TRINGALE
Un jeune illustrateur traverse son existence comme un René moderne : seul parmi un vaste désert d’hommes. Mais Nick n’est pas Chateaubriand : il erre de café en café à la recherche d’amis, de l’âme sœur ou tout du moins d’un coup à tirer qui l’empêcherait de se branler en écoutant du Joni Mitchell (!). Son quotidien ? Chercher du travail, visiter sa mère qui n’en finit pas de terminer les peintures de son appartement ou garder son neveu.
Mais Nick a un secret : chaque instant de sa vie, chaque interaction avec autrui sont simulés. Il traverse son existence fardé d’un masque social qu’il ne parvient plus à retirer et même lorsqu’il rencontre une charmante oncologue avec qui il va entamer une relation sexuelle, il ne parvient plus à écorner ce vernis d’indifférence dont il a enduit son quotidien. Jusqu’au jour où…
Ecrit et dessiné par Will McPhail, Au-Dedans est une fable douce-amère, souvent drôle et assez émouvante de ce moment où notre construction sociale prend l’ascendant sur notre moi intime, où nous agissons en inadéquation avec ce que nous pensons être vrai ou juste pour sembler cool et supérieurement intelligents.
Le héros de cette histoire a fait de sa vie un storytelling où il rêve d’entendre des mots qui n’existent pas quand ceux qu’il intercepte ne produisent rien en lui.
Le dessin de McPhail est empli de douceur et de lisibilité. Il est aussi parfois surprenant avec ses yeux grands ouverts comme chez Les Simpson qui tend à outrer sa direction d’acteurs mais en même temps à rendre attachants ses personnages avec qui le lecteur se sent en osmose immédiate. Chaque émotion ressentie donne lieu à des scènes muettes et poétiques comme des explosions de couleurs chaudes. Parce que tout mais pas l’indifférence, tout mais pas ce temps qui meurt et ces jours qui se ressemblent sans saveurs et sans couleurs*.
Encore un compagnon de route humaniste publié par 404 Graphic où Will McPhail s’affirme comme le digne héritier d’Adrian Tomine.
*Pas l’indifférence, paroles et musiques de Jean-Jacques Goldman