Reportée d’une année pour raisons médicales – Darius Keeler, le fondateur et architecte en chef du collectif londonien ayant du se faire soigner d’un cancer du colon diagnostiqué à l’été 2022 – , la tournée Call to Arms & Angels, du nom du dernier album en date du groupe, s’est enfin élancée début octobre sur plusieurs pays, mais avec encore une fois de nombreuses dates en France, pays dans lequel le groupe peut compter sur un large et fidèle public.

La scène de la Sirène à La Rochelle est exactement dans la configuration souhaitée par le groupe : salles de capacité moyenne, entre 800 et 1500 places (seule la date de Paris à l’Accor Arena fera exception), favorisant le contact avec le public tout en permettant au groupe de déployer un arsenal sonore et lumineux à la mesure de leurs compositions qui, on le verra, reposent parfois sur une sophistication assez poussée.

La première partie est assurée par les Anglais d’October Drift, groupe aussi énergique que sympathique qui ne tarde pas à recueillir les suffrages du public. Venus défendre leur deuxième album, I Don’t Belong Anywhere, écrit pendant la pandémie – point commun avec Call to Arms & Angels d’Archive -, le quatuor délivre un set sans anicroche, bien équilibré et surtout soutenu par des guitares et une rythmique qui à aucun moment ne lâcheront prise. Les mélodies proposées sur certains titres ne font que renforcer le capital sympathie des spectateurs, satisfaits du hors-d’œuvre qu’on leur a servi.

Arrive enfin vers 21 heures 15 le moment tant attendu et même espéré depuis exactement un an, lorsque la scène s’éclaire et qu’une musique annonce l’arrivée imminente du groupe pour lequel tout le monde est venu. Les musiciens arrivent tranquillement : deux claviers (Darius Keeler et Dany Griffiths, les 2 fondateurs d’Archive), 3 guitares (Dave Pen, Mike Hurcombe et Pollard Berrier), une basse (Jonathan Noyce) et une batterie (Steve Barnard). Instruments en main, le premier titre démarre, il s’agit de “Mr Daisy”, pamphlet anti-Trump tiré du dernier album. Tout est déjà en place, sous la surveillance vigilante mais bienveillante de Darius Keeler, battant la mesure et donnant les instructions à la manière d’un chef d’orchestre depuis ses claviers. Puis le groupe enchaine “Sane” (renommé “In-Sane” pour l’occasion), extrait de Lights et “Bullet” paru alors sur l’emblématique Controlling Crowds, et l’un des morceaux phares du répertoire.

La première surprise vient de “Vice”, nouveau titre récemment dévoilé et présent sur l’édition Deluxe de Call to Arms & Angels, sortie en digital en cette fin d’année. Puis comme pour continuer l’exploration de la discographie du groupe, arrivent deux titres extraits de The False Foundation : “Bright Lights” et “The False Foundation”, puis “Conflict” initialement paru sur With Us Until You’re Dead.

Le reste du show fera néanmoins la part belle au dernier album avec un “Daytime Coma” qui s’étire sur d’interminables minutes replongeant dans l’atmosphère anxiogène des confinements, avant un final époustouflant, “Surrounded By Ghosts” tout en douceur qui voit l’apparition sur scène de Lisa Mottram, la dernière “recrue” du collectif, mais aussi “The Crown”, “Fear There & Everywhere”, “Enemy” et finalement “Gold”. Entre-temps, le groupe aura joué “Take my Head” issu de l’album du même nom,  “The Empty Bottle”, permettant à Dave Pen de prendre la lumière (la chanson a été écrite par lui), et surtout “The Sky Collapses Onto Us”, chanson extraite de la bande originale du film Les Voleuses qui cartonne actuellement sur Netflix.

Quelle que soit la configuration – Pollard Berrier, Dave Pen & Lisa Mottram se partageant le chant – le groupe fait montre d’une maitrise totale de son art, dans des constructions sonores dans lesquelles peu de groupes s’aventurent à ce niveau. Le show est superbe, on a l’impression d’un orchestre récitant sa musique sans que pour autant l’émotion ne soit sacrifiée, bien au contraire. Il y a une âme qui se dégage de chaque titre et la scénographie impeccable, notamment au niveau des lumières (bravo à la régie de la Sirène, parfaite), transporte dans des ambiances floydiennes dans lesquelles le public s’immerge avec délectation.

Un état de grâce qui va connaître son climax lors du rappel, lorsque les premiers arpèges de la guitare de Mike Hurcombe résonnent. “Again”, le morceau que tout le monde attend est enfin là et il sera interprété dans sa version longue, un peu plus de 15 minutes. Dave Pen y assure le chant de manière absolument magistrale, final on ne peut plus rêvé pour un concert qui aura tenu toutes ses promesses, et même peut-être un peu plus.

Xavier Martin

Photos : Jessica Calvo