Sorti l’automne dernier, A Story Of Anger couronne la montée en force de Sierra, artiste electro et darkwave qu’on a pu voir en première partie de Carpenter Brut en 2022 mais qui a surtout écrit son parcours de créative solo (sur disque comme sur scène) à la force de ses rythmes rageurs et d’une envie de transmettre « la puissance » à son public. Nous avons échangé avec elle, de retour de sa deuxième tournée outre-Atlantique.

Par Palem Candillier

Après une série d’EP, de remixes et de collaborations, ce premier album ouvre un nouveau cycle pour la musicienne. Au milieu des batteries synthétiques et des synthés hostiles se fait entendre sa voix, plus présente qu’avant. « J’ai toujours chanté, ça a été ma première manière de m’exprimer en musique. Quand j’ai commencé à faire de l’electro, j’ai mis ça de côté, mais là, avec ces onze titres, j’ai eu envie de tester. On verra si c’est quelque chose que je vais explorer encore. » Une suite logique à sa démarche, mais tout de même un défi car il fallait « passer d’un morceau très techno à un quelque chose d’un peu plus pop » sur ce format long, qui a été l’autre grand challenge : « Je ne voulais pas qu’il y ait quatre morceaux “forts” et puis le reste pour meubler. J’ai mis toute mon énergie pour faire onze tracks dont je serais contente. Et pour ça, il faut faire des choix, rester cohérent .»

Sierra n’a donc pas économisé ses efforts ni ses prises de risque pour raconter cette “histoire de colère”, qui n’est pas qu’une affaire de son. Pour elle, la formule album imposait naturellement de prendre soin de tous les autres aspects. « Visuellement, je savais là où je voulais aller, j’avais des intentions très fortes. » Le clip immersif de “STRONGER” et la pochette et les photos ont été « un travail main dans la main » avec ses partenaires, les réalisateurs des studios Ambre Verse ou le graphiste Benoît Julliard. Sa musique, déjà reprise dans une publicité pour Yves Saint-Laurent, est déjà le fruit d’un amour pour le cinéma et le gaming. « J’aimerais tellement composer une BO, avant même de faire un deuxième album » dit-elle avant de se demander ce qu’un opus des jeux The Last of Us donnerait avec ses titres.

A Story of Anger est un objet frontal, sans concessions, enrichi de trois featurings avec lesquels Sierra a aussi cassé son processus solitaire. « Quand on est aussi control freak que moi, ça demande d’avoir un peu de lâcher prise ! » Qu’il s’agisse de la contribution « hyper fluide » avec Carpenter Brut qui « prolonge » sa chanson “Power”, de l’apport purement vocal de HEALTH en passant par “Wait and See” écrit à quatre mains avec Corvad, la musicienne redessine sans cesse le concept de “collab”. Côté influences, elle n’hésite pas à citer, entre autres, la variété française ou la bande originale de Barbie. « En chanson, j’adore certaines intentions musicales qui cherchent à transmettre de l’émotion. »

Si le disque a pour titre la colère, ce n’est pas n’importe laquelle et pas à n’importe quel prix. « Je savais que mon premier album s’appellerait comme ça. J’ai toujours eu cette cette guideline dans ma tête à chaque fois que je compose. J’ai envie que quand les gens viennent me voir en concert, ils aient envie de se dépasser, d’aller frapper dans un punching-ball. On nous dit souvent de nous calmer quand on est en colère. C’est une émotion que j’ai souvent réprimée. J’ai eu envie de de l’écouter, d’en prendre conscience pour me sentir en accord avec moi-même si je trouvais quelque chose d’injuste ou de mauvais. » Plutôt un exutoire sain et authentique qu’un appel à la violence.

Elle a pu en voir l’effet sur le public américain récemment. « C’est aux États-Unis où j’ai le plus d’écoute et de retours. C’est primordial pour moi d’y jouer.» De New York à Los Angeles en passant par Chicago, Sierra vient d’y faire sa première tournée en tête d’affiche, autant dans des clubs que dans de gros festivals, où « l’ambiance est différente à chaque Etat » mais où son audience a grandi. « En plus c’était la première fois que je jouais ce live avec les nouveaux morceaux », une autre façon de consolider cette relation forte avec la terre de John Carpenter.

Les concerts continueront de l’occuper en 2024, en Europe comme en France, avec des changements réguliers dans son set, qu’il s’agisse des chansons ou de la mise en scène : « Je déteste rester sur quelque chose qui est acquis ». Elle évoque aussi de nouvelles collaborations à venir. On a rarement vu l’electro autant en mouvement.

Sierra, A Story Of Anger, Universal/Virgin Music, 15 septembre 2023