par Yann Landry

Difficile de parler de Fat Bottomed Boys sans évoquer Queen. D’où vous vient cette passion pour Queen ? Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans Queen et chez Freddie Mercury ?

Thibaut : Historiquement, ça vient de nos familles. C’est le film Highlander qui déclenche tout en 1986. Le grand frère d’Elash l’a vu au cinéma et est revenu avec la cassette audio et de mon côté, c’est mon père, fan d’Highlander, avec la série aussi, du coup, j’ai baigné dedans quand j’étais petit. Découverte de Queen donc avec l’album A kind of Magic, la bande originale du film, vers 8 ans. Et en 1991, je rentre du collège, on annonce la mort de Freddie Mercury à la télé, et je me suis replongé dans les cassettes à la maison. Et quand on tombe dedans, on ne s’arrête plus, en achetant les albums aux Noëls et aux anniversaires, c’est tellement varié, chaque morceau est iconique. 

Comment vous est venu l’idée de monter ce groupe pour faire des chansons à la manière de Queen ?

Elash : On avait déjà tous les deux un groupe de reprises de Queen qui s’appelle Rock You, et qui existe toujours, monté en 2015 par Thibaut, et à force de remaniement, j’ai intégré le groupe. On a bien décortiqué les morceaux, on a fait quelques concerts. Dans le civil, je suis ingé son, j’ai travaillé pour Stéphane Haendel qui m’envoyait des maquettes pour les arranger. Un jour il m’envoie un morceau en me disant “je sais que t’es fan de Queen, j’aimerais que tu me l’arranges comme une chanson de Queen”, je me suis pris au jeu. On a trouvé que c’était une bonne idée. On s’est dit avec Thibaut qu’on allait en écrire une autre tous les deux à la manière de Queen, pour y rendre hommage à notre façon avec des compos. Une sorte de tribute 2.0. Du coup, on a fait la chanson “The Idiot” fin 2019 et ça a finalement donné un album entier, Let’s do It, qu’on a sorti en septembre 2020, qu’on a réalisé pendant le confinement. Personne d’autre n’a jamais fait de concept comme ça.

Et surtout comment avoir la force de penser qu’on peut faire comme eux et que ça peut intéresser un public ? 

Thibaut : Au début, on a commencé juste pour nous, pour le plaisir, avec cinq maquettes qu’on avait déjà, arrangées à la Queen, et on en a fait d’autres grâce au temps permis par le confinement. On avait un pied dans les groupes facebook des fans de Queen avec notre groupe de reprises, on y mettait des reprises pendant le confinement, les gens aimaient bien. On s’est dit qu’il y avait probablement un public. Malheureusement, il y a eu surtout de l’indifférence au début, on n’a pas réussi à atteindre les fans. Avec notre nouvel album, ça marche mieux car on a une stratégie marketing, on paie sur les réseaux, comme un peu tous les groupes, pour arriver jusqu’aux auditeurs et on en a gagné énormément. On est apprécié par les vrais gros fans de Queen qui comprennent notre concept.

La voix de Freddie Mercury fut l’une des plus remarquables de l’histoire du Rock, Thibault, ça va, tu ne souffres pas des comparaisons ? Et comment as-tu bossé ton chant spécialement pour ce projet ?

Thibaut : Je n’arrive pas à me foutre des comparaisons car je suis inspiré par Freddie. J’ai travaillé, j’ai pris des cours, mais de base, je suis autodidacte. Je me pousse dans mes retranchements, niveau harmonique, et c’est tant mieux. J’avais mes limites techniques aussi. C’est un défi compliqué mais motivant !

Elash : Quand j’ai découvert Thibaut avec Rock You, j’ai remarqué qu’il n’avait pas la voix de Freddie mais que ça fonctionnait bien, alors que c’est compliqué de base de reprendre du Queen. Au moins, la comparaison n’est pas la même. Thibaut a une voix plus rauque. 

Thibaut : Pareil, en ce qui concerne les comparaisons, comme je ne suis pas un sosie vocal, je ne suis pas Marc Martel, je me suis dit que ça serait ridicule d’avoir des déguisements, des perruques, la fameuse veste jaune de Freddie, pour ressembler à Queen. On est dans l’hommage, pas des imitateurs, on tente de faire au mieux. 

Crédit photo : Yann Landry

Vous avez même chanté un titre avec Freddie Mercury lui-même ! Pouvez-vous nous raconter la genèse de “New-York” et de son clip ? Y a-t-il eu des soucis en termes de droits d’auteurs et d’autorisation ?

Thibaut : Quand on faisait le premier album, on s’est dit pourquoi pas tenter de créer le buzz avec un featuring, et pourquoi pas Freddie Mercury, tant qu’à faire ! On a trouvé une bande de Freddie, une chanson inachevée avec un couplet et un refrain, une ébauche mais il y chante nickel. On a écrit un couplet et un pont en plus, on a arrangé le tout et ça a donné “New York”. Comme on  voulait commercialiser le premier album, on a demandé l’autorisation d’utilisation. On a pas eu de réponse pendant très longtemps. Après la sortie de l’album, on a fait le clip pour lequel on a fait appel à la dessinatrice Marie Alexis, qui est aussi une fan de Queen. Elle nous a fait des dessins de Freddie qu’Elash a animés. Finalement on a eu une réponse de Sony un an après la sortie du clip, qui nous disait ne pas nous donner l’autorisation d’exploiter et de retirer le contenu, ce qu’on a fait pendant deux mois. Finalement, on a remis le morceau, on ne revendique aucun droit dessus, et on n’est toujours pas en prison ! Et c’est notre clip le plus vu, beaucoup relayé par de gros médias, et même en Italie et au Brésil, sans promo ! Ce qui nous a permis d’avoir un nouveau public, buzz réussi donc. 

Vous avez sorti l’album Haters gonna hate en novembre dernier, pourquoi ce titre assez rentre-dedans et qu’est-ce que vous y racontez ?

Thibaut : Ce titre a été choisi car on avait fait un tremplin à la con dans le Nord, on n’avait pas été sélectionné pour des raisons vaseuses. Le public avait apprécié, on avait eu aussi beaucoup de votes sur internet. Mais le jury avait trouvé qu’on se la pétait à vouloir faire du Queen… Ils n’avaient pas adhéré au concept. Donc on s’est dit qu’on allait continuer à faire des albums dont ce nouveau, et que malgré ce qu’il y a dedans tu allais détester. Nous, on est à fond, on fait ça pour les “Lovers gonna love” de toute façon, le titre est un pied-de-nez ironique. Pour ce qu’on raconte, au premier album on se demandait si Queen aurait raconté ça ou ça, on fait plus naturellement maintenant. On n’est pas grossier non plus, pas ou très peu de vulgarité pour coller à ce qu’écrivait Queen. Il y a une inspiration, on suit leur philosophie. 

Elash : Les textes de Queen sont très poétiques et très bien écrits. L’anglais n’étant pas notre langue maternelle, on se prend la tête sur les textes pour coller au mieux en termes de qualité. On a des relecteurs anglais et australiens. 

Vous n’avez pas peur de vous lasser vous-mêmes de cette histoire queenesque ? Jusqu’où comptez-vous aller ?

Thibaut : Le premier album était plus un exercice de style, où on peut vraiment dire que telle chanson est inspirée de telle autre chanson de Queen, ça nous a permis de nous mettre dedans. Le deuxième, Too Much Is Not Enough, on s’est détaché un peu de ça. Le troisième, The King Of Rhye, il fallait que ça ressemble à Queen II, à du prog’, c’était un peu spécial, il est un peu à part, il est basé sur le livre de Craig Mulhall. Et puis là, avec le nouveau, on s’émancipe beaucoup plus. C’est aussi le premier album qu’on fait en groupe et pas en duo. Les deux autres musiciens ont apporté aussi leurs influences, ce qui a permis de diversifier le son, le style. Typiquement, la chanson “Haters gonna hate” ne ressemble pas à du Queen. On a aussi bien modernisé la chose. On a suivi les tendances comme Queen suivait les tendances. On s’est libéré du “Queen a fait ça” pour aller vers du “Queen aurait pu faire ça”. Ce nouvel album est encore et toujours un voyage, ne pas faire de chansons qui se ressemblent. On a fait quelque chose de plus riche, avec un son plus brut type News Of The World, moins synthétique. On a du rock pur, il y a des chansons funk, un tango. Pourquoi se faire chier à faire que du rock, autant mélanger et en sortir le meilleur. 

Elash : On ne se pose plus trop de questions maintenant. On a notre son. On fait les chansons comme elles viennent. On ne s’interdit rien, possible qu’on chante même en français un jour. Si ça nous branche, on continue dans ce concept.  On en est à quatre albums en quatre. On en fera peut-être moins régulièrement mais c’est difficile de se lasser de quelque chose qui change tout le temps.

Pour finir, parlons brièvement de l’héritage de Queen, dont vous êtes dans la pure lignée. Vous êtes plutôt Paul Rodgers, Adam Lambert ou… George Michael ?

Thibaut : George Michael, de loin, même si ce ne fut que pour deux morceaux sur scène, il est génial. On n’a pas détesté Queen Rocks avec Rodgers, ça a permis de voir May et Taylor sur d’autres choses comme du blues, de la country par exemple. Adam Lambert, je l’ai vu quatre ou cinq fois sur scène, c’est que je ne déteste pas. Il est parfait techniquement, même peut-être plus que Freddie Mercury, mais y a pas d’accrocs, c’est lisse. Alors que Freddie, il avait des nodules, il fumait, il sortait la nuit, il avait sa signature vocale. 

Fat Bottomed Boys, Haters Gonna Hate, autoprod, 24/11/2023