Le beau cadeau des Bunnymen

Interview menée par Xavier Martin.

Pour fêter les 40 ans de la sortie de leur quatrième album, “Ocean Rain”, les célèbres Echo and The Bunnymen sont repartis dans une tournée qui les a menés au Royaume-Uni, puis en France et en Belgique. Si l’énergie et l’envie n’étaient pas toujours au rendez-vous, comme en témoigne le set des Liverpuldiens quelque peu décevant au Trianon à Paris au début du mois d’avril, la bonne nouvelle se trouvait dans la première partie, confiée par Ian McCulloch pour toutes ces dates européennes à Erica Nockalls accompagnée à la guitare et au chant par son partenaire Jean-Charles Versari. Rencontre avec ce duo de charme franco-anglais.

Rendez-vous est donné dans l’après-midi du concert au Trianon dans un café jouxtant la salle et malgré un agenda serré, les deux musiciens arrivent à l’heure pour une entrevue qui ira bien au-delà des 20 minutes prévues. Les premiers échanges contrastent avec l’image qu’Erica peut renvoyer d’elle lorsque lorsqu’elle est sur scène. L’énergie déployée pour occuper l’espace et le soin porté à la mise en scène, ne serait-ce que par ses choix vestimentaires qui témoignent d’un souci et d’un sens du show, cachent en réalité une personnalité posée, avec cette capacité unique d’être à la fois chaleureuse et en retenue.

La discussion démarre sur un retour d’expérience sur les dates déjà effectuées (Paris était l’avant-dernière date avant Bruxelles), notamment celles de Manchester et Liverpool, cette dernière ayant permis au duo de jouer devant une audience plus large que celles auxquelles il était jusque-là habitué : « C’était impressionnant, d’autant plus que ce n’était que la troisième date de la tournée. C’était un sacré gap ! Mais plus on avance, plus on s’habitue. » note Erica avant que Jean-Charles ne complète : « On apprend au fur et à mesure, le set devient de plus en plus rôdé, on est de plus en plus en symbiose et peut-être moins impressionnés. ».

Crédit photo : ©Laura Renton – Redtop Images

La formation musicale d’Erica est issue d’un parcours qui commence avec l’apprentissage du violon dès 7 ans (« Je voulais une guitare mais mon père ne voulait pas que je joue de la guitare, aussi il m’a acheté un violon. »), puis la musicienne rejoint le Conservatoire de Birmingham à l’age de 19 ans, tout en confessant « n’avoir aucune envie de jouer dans un orchestre comme violoniste soliste ». Aussi, en parallèle de ses études, Erica forme son premier groupe et commence à faire la manche dans la rue pour financer ces études. C’est alors qu’elle est remarquée et rejoint le groupe The Wonder Stuff, ce qui lui fera définitivement épouser le rock au détriment du classique (« J‘aimais le classique, mais ce n’est pas ce que je voulais faire. S’entrainer 3 heures par jour, c’était pas mon truc. »). En parallèle, Erica commence une carrière solo avec un premier album en 2012.

Le dernier album en date, “Dark Music From A Warm Place”, a été écrit  en Espagne, durant une période assez troublée, suite à une rupture amoureuse. Revenue en Angleterre avec la musique alors créée dans ses valises, Erica prend conscience qu’elle a besoin d’un nouvel élan si elle veut donner une suite à ce projet. C’est alors qu’elle rencontre Jean-Charles, dans un bar parisien, et de manière complètement fortuite. Plus besoin de chercher un producteur, Erica l’a trouvé. Les restrictions de déplacement liées alors à la crise sanitaire ne facilitent pas les choses mais les deux musiciens arrivent quand même à rallier régulièrement le studio pour des séances de travail, souvent après le couvre-feu, puis pendant une partie de la nuit. « J’ai dû faire un pas vers la musique d’Erica, ce qui n’était pas évident car je ne fais pas de musique électronique. De la même manière, Erica a dû faire un pas vers ma musique. C’est ce qui nous a permis de façonner l’album, avec parfois la nécessité de réenregistrer quelques pièces. Nous avons choisi les morceaux du disque ensemble. » explique J.-Charles. « J’ai amené la base et après ensemble nous l’avons poli pour en tirer le meilleur parti » complète Erica.

La rencontre avec Echo & The Bunnymen s’est faite il y a quelques années, alors que le groupe d’Erica, The Wonder Stuff, partageait avec eux l’affiche de plusieurs festivals. C’est alors que Ian McCulloch propose à la musicienne de venir jouer sur l’un de leurs albums. Plus récemment, le même Ian, ayant écouté et apprécié “Dark Music From A Warm Place”, lui offre la possibilité de faire la première partie de la tournée Ocean Rain Tour. « Les bras m’en sont tombés lorsqu’Erica m’a dit avoir reçu un SMS de “Mac” lui proposant de faire la tournée avec eux. Je suis tellement fan de ce groupe depuis longtemps. » se souvient Jean-Charles.

Le guitariste peut se pincer, il n’a pas rêvé. Le duo fera ainsi toutes les dates européennes (« Ça aurait été compliqué de continuer avec eux la tournée aux US, pour des raisons logistiques et financières » note Jean-Charles), leur offrant l’occasion de montrer toute l’étendue de leur talent et la qualité de leurs compositions au cours d’un set sans aucun temps mort de 6 ou 7 chansons suivant les dates (tous les morceaux étant issus de “Dark Music From A Warm Place” à l’exception de “The Silent Dog”). Pour à la fois préparer son set en ouverture des Bunnymen et installer un climat un peu plus minimaliste sur certains titres, le duo a apporté quelques modifications dans les compositions, notamment en donnant plus de place aux parties de guitare de Jean-Charles, comme en témoigne la version live du dernier titre en date, “The Silent Dog”, beaucoup plus musclée que la version originale ou plus encore que la version dite “Radio Edit”.

Si beaucoup de personnes ont tendance à comparer Erica à Siouxsie (« Les gens ont toujours besoin de comparer à quelque chose ou quelqu’un, ce qui n’est pas forcément très utile ou pertinent » note J-.Charles un peu agacé), la musicienne s’en étonne, ne se trouvant pas beaucoup de ressemblance avec la chanteuse des Banshees, et encore moins avec le mouvement goth. Si un rapprochement devait être absolument fait, on pourrait plutôt évoquer Liz Fraser de Cocteau Twins.

En parallèle de ses activités dans la musique, Erica continue à pratiquer sa deuxième passion, la peinture (« Je peins directement avec les mains, sans pinceaux, j’ai besoin du contact avec la toile. »), qu’elle a choisi de vendre uniquement par le biais de ses réseaux sociaux, sans prix prédéterminé : « Mettre un prix dénature l’œuvre je trouve. Je préfère que ce soit les gens que ça intéresse qui décident du prix qu’ils veulent y mettre. »

Jean-Charles, quant à lui, souhaite désormais redonner plus de place à son métier de musicien, passer plus de temps en studio à travailler sur ses propres compositions, et envisager un nouvel album de Versari qui pourrait sortir l’année prochaine.

En attendant le prochain album auquel Erica a déjà commencé à penser sans que les choses soient définitivement arrêtées et celui de Jean-Charles auquel Erica participe évidemment, le duo s’organise pour pouvoir remonter sur scène notamment dans des festivals l’année prochaine.

Plus proche de nous, ils ouvriront pour un autre groupe mythique, Modern English, à Paris le 2 mai prochain au Petit Bain.