Le sixième album de Demi Mondaine, sorti en 2023, est plus apaisé, moins sulfureux que les précédents. Mais il est toujours empreint du romantisme noir qui la caractérise et qu’elle exploite avec bonheur dans son spectacle “Le cabaret des monstres”. Rencontre avec celle à qui Iggy Pop a offert une chanson.  

Par Le Mad

D’où te vient ce nom de Demi Mondaine ?

Il y a quinze ans, je cherchais un nom et j’étais en train de lire – en anglais – “La vénus de fourrure” de Sader-Masoch. Et ce mot, écrit en français est sorti de la page. Et il était pour moi. Je ne savais pas pourquoi, mais c’était une évidence. Alors que j’ignorais que cette expression était utilisée au XIXe siècle pour désigner des femmes entretenues, à la limite de la prostitution. C’était sulfureux, provocateur, rock n’roll quoi. Mais surtout, c’était féministe pour moi, car même si elles étaient mal vues, ces demi-mondaines étaient les seules femmes libres de cette époque.

Lorsque le grand public te découvre en 2017 avec The Voice, un magazine TV te qualifie de “tornade peroxydée”. N’est-ce pas un peu réducteur quand on sait que tu as cinq albums derrière toi ? 

Peroxydée, ça fait blondasse. Tornade, ça me va bien ! Même si c’est effectivement très réducteur. Et je ne fais pas ce métier pour être célèbre, ni pour l’argent, j’ai chanté par instinct de survie, pour m’exprimer, pour le plaisir. Qu’est-ce qu’on a à foutre d’être connu finalement, tant qu’on peut vivre de sa musique. Et si on aime mon travail, j’en suis d’autant plus flattée, car c’est de fait un vrai partage. On vit vraiment une époque où l’état de célébrité – qui prime avant tout – a atteint son paroxysme. 

Crédit photo : Christophe Chaumanet

Ton premier album “Key hole”, sorti en 2007, était produit par Howie B (Bjork, U2), mais le guitariste Mystic Gordon est vite devenu ton alter ego aux compos.

J’ai toujours fonctionné sans trop de moyens, à l’alchimie avec d’autres musiciens et on se partageait les droits de compos. Mystic est effectivement toujours à mes côtés, en studio et sur scène. Par contre, j’ai composé quasiment seule au piano “Les Lignes Imaginaires” – c’était durant le confinement – et il m’a rejoint pour enregistrer. C’est Laurent Jaïs, déjà à la barre en 2016 sur le précédent “Paris désert” qui a réalisé l’album, avec Tom Fire.

“Les Lignes Imaginaires” est constitué de deux parties, l’une électronique, l’autre acoustique, mais elles ont en commun d’être définies comme étant aquatiques.

Depuis sept ans, j’écris dans le ventre d’un bateau, bercée par le courant ou portée par le fleuve. Et également sur une île entourée par l’Océan. Je suis donc profondément connectée à l’eau. J’étais allée dans le désert pour écrire “Paris désert” et “Aether”, l’album d’avant, signifie le ciel. En fait, je crois que je suis un peu branchée cinq éléments…

  

Plusieurs titres de “Lignes Imaginaires” sont extraits d’un spectacle de monstres que tu as conçu et que tu produis toi-même.

Le Cabaret des monstres, c’est l’histoire de la métamorphose, du monstre à l’intérieur de soi et comment lui faire face. Et mes monstres, inspirés des mythes du fantastique – Frankenstein, la goule, la sorcière – sont incarnés par des danseurs, des circassiens, des musiciens. Ils se sont tous vraiment appropriés mes chansons. En concert, elles me collent à la peau et on prend au premier degré ce qu’elles racontent. Même si elles disent aussi beaucoup de moi, la dimension théâtrale que je leur ai donné avec ce spectacle, me permet de jouer, de prendre de la distance.

Pour autant, tu vas quand même faire des concerts avec l’album ?

Oui, avec Mystic à la guitare, moi au piano et de l’électro en machines. Et j’aimerais beaucoup qu’Emilio Castiello nous rejoigne avec son violon, car il est indispensable pour les morceaux acoustiques. Mais je vais avoir l’impression d’être nue de juste chanter mes chansons sans costume…  

Tu participes depuis sa création au Jean-Paul Gautier Freaks Show, pour lequel tu as repris un titre de Madonna, que tu as d’ailleurs chanté devant elle lors d’une représentation. Si tu devais faire un duo avec quelqu’un d’autre, qui choisirais-tu ?

Iggy bien sûr ! Il m’a fait un tel cadeau, tellement altruiste, tellement humain… Ça n’a pas de prix. On s’est rencontrés sur un tournage il y a 10 ans, je lui ai fait écouter “Gimme danger” que j’avais repris. Il s’est passé un truc magique. Il m’a dit “tu me fais penser à une chanson inédite écrite il y a quarante ans.” Trois semaines plus tard, il m’envoyait “Private parts”. Je lui avais promis que s’il me donnait cette chanson, je me la tatouais sur les fesses. J’ai toujours la preuve que cette histoire est vraie !

Demi Mondaine, Les Lignes Imaginaires, 29/09/2023