Amy Winehouse par Tony Lourenço, Elsa Gambin et collectif

Editions Petit à Petit – 19.90€

Il est infatigable ! Après avoir signé les docu-bd de Pink Floyd, Otis Readding ou Led Zeppelin, Tony Lourenço revient avec la vie (tourmentée) et l’œuvre (encore plus) d’Amy Winehouse, météorite des années 2000, immortelle de son vivant avec Back to Black.
L’héritage d’Amy est ambigu : c’était un vrai chat sauvage prisonnier dans le corps cabossé, anorexique et dépressif d’une femme enfant. Alors que le rocker en nous n’aimerait retenir d’elle que cette voix râpeuse, sa capacité à foutre des coups de boules dans des pubs enfumés autour de parties de billards et son look de Marge Simpson destroy, Amy aura laissé derrière elle les cailloux d’une petite Poucette que l’on aimerait pour les mauvaises raisons : une fin de vie pathétique, une autodestruction encore plus terrible que celle de Kurt Cobain et la confusion entre compassion et pitié d’une authentique rebelle qui n’aurait sûrement pas supporté qu’on ne retienne d’elle que son rock’n’roll suicide.

Tony Lourenço habille de nuances et d’une véritable empathie (on se sent parfois de trop tant l’auteur transpire d’amour pour la belle) le parcours d’une jeune chanteuse juive bercée par Frank Sinatra dès la plus tendre enfance. Le docu-bd pose brique par brique le parcours d’une surdouée à l’oreille et à la culture musicale époustouflante, le portrait d’une femme généreuse à la coolitude exemplaire contrebalancée par une haine d’elle-même viscérale et son penchant à multiplier les mauvais choix personnels quand ses intuitions musicales étaient irréprochables.

Une quinzaine de dessinatrices et dessinateurs illustrent harmonieusement les vingt-sept ans de la gamine de Southgate avec une famille au moins aussi fantasque qu’elle. Elsa Gambin vient compléter de ses notes chaque chapitre entre rires et larmes et la prose de Lourenço plus impliqué émotionnellement qu’à l’accoutumée. Lorsqu’il déclame dans les derniers chapitres : » Le sourire trempé de pleurs et des chagrins plein ses fous rires, la belle avançait les yeux bandés telle une adulte qui chercherait des réponses à des questions d’enfants », c’est beau comme une chanson de notre Amie.

Bruce Tringale