Nick Mason à L’Olympia le 04/07/24

Un article de Bruce TRINGALE

Quel étrange destin que celui de Nick Mason, le batteur le plus lent du rock féru de bolides automobiles. Sans doute le seul homme sur terre à être encore capable d’être ami avec Roger Waters en 2024 après que celui-ci aura passé l’intégralité des années 80 et 90 à le traiter, lui et les mutins du Floyd post-The Wall, de Muffin. Et rappelons-le, le seul de la formation à avoir tenu les baguettes de l’entité Pink Floyd de The Pipper at the Gates Of Dawn à The Final Cut au gré de la mue du monstre et de ses musiciens.

Le voici donc, un quinquennat après la création de son projet solo Nick Mason’s Saucerful of Secret à arpenter les planches de L’Olympia, une salle où le Floyd ne s’est jamais produit, avec ses comparses Gary Kemp (ex-Spandau Ballet), Guy Pratt (le remplaçant de Roger Waters avec qui il dira être monté sur scène plus de 500 fois), Lee Harris (remplaçant très convaincant de David Gilmour et résident de Carcassonne !) et Dom Beken aux claviers qui a samplé la voix -déchainée- de Syd Barrett pour le duo virtuel que le groupe jouera sur l’étonnant « Remember Me ».

Le concept est inchangé : jouer les standards du Floyd de sa création en 1967 jusqu’en 1972 juste avant The Dark Side of the Moon, avec le très sous-estimé Obscured by the Clouds. Le concept est d’enfer, l’ambiance encore ce soir est l’incarnation la plus légère et chaleureuse du Floyd, NIck Mason étant le chainon manquant entre Waters devenu un insupportable Mélenchon rock et Gilmour le taiseux.

Il monte sur scène en terrain conquis, dégotte une standing ovation au bout de trois morceaux, fait mourir de rire son auditoire en dégottant des punchlines irrésistibles : « Surtout n’utilisez pas votre flash pour vos photos, ça risquerait de contrarier mon bassiste et vous savez que j’ai toujours eu des bassistes très tatillons… » « Ce soir je vais jouer sur le gong de Roger Waters, je vais l’appeler pour lui demander son avis » ; son téléphone diffuse alors une voix incompréhensible tout droit sortie d’un animé de Tex Avery.

Les musiciens sont rodés et à l’aise, parfois trop à l’image de Guy Pratt qui s’il le pouvait serait venu jouer en savates… L’homme sautille, fait des blagues, est légèrement agaçant et surjoue souvent ses parties vocales au point d’être complétement à la ramasse sur un morceau aussi séminal que le Stoogien « Nile Song ».
Tout le reste de la formation est nettement moins excité : Lee Harris, malgré un mix suraigu est brillant, Dom Beken est invisible mais aussi efficace que le regretté Rick Wright.
Le set est quasiment le même que celui gravé sur le live de 2020 avec en point d’orgue le medley « If » et « Atom Heart Mother » brillement joué à l’acoustique par un Gary Kemp, qui lui ne fait pas le zouave, et a su garder fière allure.
« Fearless » sonne quasiment mieux que son original et rappelle ce que Blur doit au groupe même post Syd Barrett.

Reste Nick Mason : l’homme qui n’a jamais été un technicien de la batterie a encore simplifié son jeu, même en comparaison des versions de 2020 de « See Emily Play ou « Arnold Layne » au point de désosser un jeu tout en rondeur pour en présenter une incarnation simple et efficace mais définitivement sans le charme de ses roulements hypnotisants sur « Meddle » ou « Saucerful of Secrets ». Lorsqu’il souhaite se lancer sur un petit solo sur « Echoes », il perd vite le tempo. Soyons réalistes et indulgents : l’homme a dû réapprendre la batterie après avoir été détruit psychologiquement par Waters, être doublé sur scène pour jouer dans des stades pendant la tournée douloureuse de « A Momentary Lapse of Reason » et accuse désormais plus de 80 ans depuis janvier dernier.

La magie du Floyd reste intacte avec cette puissance inégalée dans l’histoire de la musique : que le public entende, une note, une seule note de piano et il jubile de voir une fort belle version d »Echoes » tout comme le feulement du vent annonce « One of These Days ».

Un fort bon concert touchant dans son humilité et son imperfection loin des machines de guerre des stades et…des Tribute Band.