243 pages- Ed : Séguier- 21€

Un article de Bruce TRINGALE

Voici une parution aussi inattendue que bienvenue : la biographie du groupe français le plus maudit des années 80 par le survivant Mirwais, grand pape de la musique électronique après le triomphe mondial de ses albums pour Madonna qui revient ici réciter les déclinaisons de la lose de Taxi Girl qu’il qualifie lui-même d’échec d’invraisemblable.


Belles gueules, du charisme à revendre et du talent coefficient trois ne suffiront pas à Daniel Darc, Laurent Sinclair, Stéphane Erard, Pierre Wolfsohn et Mirwais donc, à survivre aux lois du show-bises de Judas, au rock’n’roll circus dont il furent les clowns plutôt que les fauves et surtout à eux-mêmes avec, pour ultime génie, celui d’une autodestruction systémique reléguant celle des Sex-Pistols à une tentative de suicide par ingestion de liquide vaisselle…

Dans une langue souvent admirable, riche en effet de style et en néologisme, Mirwais rappelle qu’avant de chercher le garçon, ce furent sur les hameçons d’une pêche au gros bâtard (leur manager, Alexis Quinlin – qui managera également l’Asphalt Jungle de Patrick Eudeline, lequel apparaît dans le livre avec Catherine Ringer sur les genoux-, n’aura pas assez de trois réincarnations pour expier les fautes que Mirwais lui attribue) que les Taxi-Girl se firent les dents.

Mirwais ne nostalgise pas : en plus des plans lose, dope, filles minables et parasites pathétiques en ce début des années 80, il n’hésite pas à descendre ses anciens co-voituriers, Daniel Darc et Laurent Sinclair en tête, tour à tour mesquins, pathétiques et hypocrites. Du propre aveu de Mirwais, tous ces gens se détestaient et cherchaient systématiquement à l’évincer du groupe.

Mirwais explique pourquoi il est très peu probable que Seppuku soit un jour réédité

C’en est parfois peut-être trop : dans ce triangle de Karpman, Mirwais est systématiquement la victime, celui qui a une vision ou tout du moins l’envie d’une carrière. C’est effectivement très probable, sa survie et son succès en étant la preuve incontestable. Mais on aurait sans doute espéré à cette écriture virtuose mais désespérément froide et parfois contradictoire (Mirwais se place parfois en champion des classes populaires en traitant systématiquement de beaufs son entourage immédiat) quelques notes de tendresse ou d’empathie envers ses collègues disparus.

On aurait aussi bien troqué quelques pages en moins de bile envers Quinlin (toujours déshumanisé sous le sobriquet Le Manager) contre d’avantage d’anecdotes musicales sur les conceptions de Mannequin, Cherchez le Garçon et l’album Seppuku (produit par JJ Burnel qui échappe aux torrents de fiel du bouquin) où Mirwais, du haut de son trône de Lider Maximo de l’électro-pop aurait eu tant de choses à raconter. Tout juste apprend-on dans un passage hilarant que les chœurs féminins de Cherchez le Garçon devaient masquer la voix de Darc trop Raymond Barre !

Premier ouvrage d’une trilogie sur le Show-Business voulue par son auteur, ce Taxi-Girl enchante de ses saillies et fulgurances littéraires autant qu’il déçoit sur le récit musical d’un groupe qui a révolutionné le paysage sonore hexagonal (Mirwais-et c’est tout à son honneur-revendique la paternité d’Indochine).

Le fan de Taxi-Girl se consolera en se rappelant qu’en son temps Benoit Sabatier en écrivit un bio bien plus complète et -forcément- moins autocentrée dans l’irréprochable Nous sommes jeunes, nous sommes fiers.
Bien, mais peut mieux faire pour le tome 2.