Mafalda, mon héroïne par collectif
Glénat -17.50€ – 95 pages
Un article de Bruce TRINGALE
Et si Mafalda était catapultée à notre époque, que dirait-elle de l’état de la planète et de ses dysfonctionnements, des tâches ménagères, de l’égalité hommes-femmes, de la pauvreté, de la condition animale ou encore de nos politiques ?
Pour les 60 ans du personnage emblématique de Quino, Glénat a réuni la crème des nouvelles autrices de BD. Avec une couverture de Pénélope Bagieu, Florence Cestac, Florence Dupré la Tour, Aude Picault, Véro Cazot, Anne Simon, Maud Begon, Soledad, Agathe de Lastic, Maëlle Reat, Marie Bardiaux-Vaïente, Miss Gally, Émilie Gleason parmi d’autres rendent leur hommage enamouré à la plus célèbre empêcheuse de penser en rond du neuvième art.
Lucia Sanchez, réalisatrice du documentaire Mafalda, reviens ! signe la préface.
La trame est quasiment la même pour cette compilation de strips ou de petites histoires : Mafalda découvre notre époque en le confrontant aux espoirs de Quino durant la dictature argentine des années 60. La tonalité est douce-amère pour chaque autrice : chaque victoire arrachée autour du droit des femmes, de la liberté sexuelle et religieuse ouvre des boulevards pour d’autres combats : dérèglement climatique, guerre en Ukraine ou en Palestine, Mafalda visite main dans la main avec chacune d’entre elles, les couloirs du temps et du capitalisme triomphant.
Si Aude Picault ose la faire grandir, elle reste cette enfant intérieure propre à chacune, aussi bien l’éveil d’une conscience citoyenne et artistique, un exemple à suivre lorsque, de terreur ou dépit, nos jambes se nouent et les bras nous tombent sur une planète qui aimerait s’arrêter pour descendre.
Volontaire, souriante et caustique sans jamais sombrer dans le cynisme, Mafalda pourrait être la Joan Baez de la BD : une voix intérieure d’ange à l’énergie et la combativité inépuisable.
Le lecteur retiendra particulièrement le magnifique duo Maud Begon et Vero Cazot qui apporte douceur, poésie et aphorismes plus parlants que de longs discours. Mais l’album est admirable de cohérence éditoriale même si on aurait apprécié une pagination plus conséquente et plus de subversion dans les dessins à l’image du récit d’Emilie Gleason.
L’album sort la semaine où clown dissolu aura mis 50 jours pour assumer sa génuflexion au grand capital. Et tout le monde sait que malgré ses 60 ans, Mafalda lui aurait foutu un bon coup de pied au cul, du bas de son culot d’ enfant qui n’aime pas la soupe à la grimace.