S’il y a bien un album qui m’a surpris à l’écoute, c’est bien celui de YYELLOW. Je m’attendais à de l’industriel, et me voilà face à un album gothique et romantique qui flirte presque avec Verlaine. Lors de ma discutions avec Yohan, le leader du projet, j’ai découvert un homme qui aime bien briser les codes. Un projet à suivre.

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J’ai découvert votre album par hasard sur les réseaux sociaux, en voyant votre pochette. Je m’imaginais un groupe de metal indus ou autre. En fait, pas du tout, c’est beaucoup plus calme que prévu. Votre pochette, c’est du troll ou c’est par envie de brouiller les pistes ?

Oui, j’aime bien brouiller les pistes. Mais c’est surtout que je n’aime pas me restreindre artistiquement lorsqu’il s’agit de yyellow. J’ai grandi en écoutant des artistes comme David Bowie, Brian Eno, Peter Gabriel, Trent Reznor, Marilyn Manson, ou encore Korn, qui n’avaient pas peur de se maquiller et de se déguiser. Leur expression artistique passait beaucoup par le visuel et leur apparence dans les clips ou sur scène.

Je suis sensible à ça et il est vrai que l’esthétique abordée sur l’album est plus souvent associée à l’univers industriel ou métal, mais je trouvais qu’elle collait à l’ambiance générale de l’album, des paroles, et de ma personnalité. Pour moi, il s’agit toujours de proposer un spectacle artistique total. Si j’avais les moyens, j’aimerais également appliquer cela à la scène avec une scénographie très théâtrale, voire scriptée. Et que l’on sorte de l’aspect concert traditionnel.

Donc, en fait, tu aimes casser les codes ?

Oui, en quelque sorte, mais je ne pense pas inventer quoi que ce soit dans la démarche en tout cas. Beaucoup d’autres s’y sont attelés brillamment depuis toujours. Mais il est vrai que dans les champs plus rock dans lequel yyellow évolue pour l’instant, cela est moins courant de nos jours. Dans les musiques plus expérimentales et électroniques, des artistes comme Arca ou feu Sophie font cela constamment. En proposant de nouveaux costumes, lumières, décors, et une vision en constante évolution à chaque album.

L’album s’est fait sur une période assez longue. Au final, c’est plutôt une bonne chose. Ça t’a permis de le peaufiner ?

Oui, tout à fait, j’ai mis environ 2 semaines à le composer et 5 ans à le terminer. C’est une succession de choses. Chez moi, le processus de composition peut être très rapide, mais lorsqu’il s’agit de trouver la couleur de la production que je souhaite appliquer à la musique, cela peut prendre des années. Pour celui-ci, je n’aurais pas été capable de le mixer et de l’arranger comme cela si j’avais essayé de le finir en 2019. J’ai d’ailleurs essayé, avec mon pote Adrian, mais je ne parvenais pas à trouver quelque chose qui me plaisait. Alors j’ai attendu, fait des essais, appris via d’autres projets, écouté beaucoup de musiques et éventuellement, durant l’été 2020, tout est devenu clair et j’ai fait le mix en 2 mois plus ou moins. Comme à ce moment-là j’écoutais beaucoup de Goth Metal et Industriel avec des artistes comme Type O Negative et Nine Inch Nails, j’ai essayé de donner cette couleur glaciale à la musique. En cachant également beaucoup de samples, de détails dans la musique qui ajoutent au côté dense et parfois malaisant des morceaux. Même si nous ne les entendons pas, je suis persuadé que l’esprit les cerne d’une manière ou d’une autre et cela ajoute à l’expérience. Il y a même des samples hors-phase, cela crée des effets stéréos vraiment déroutants.

Tu m’as parlé de l’évolution du groupe. À la base, tu étais seul ou presque. Penses-tu que le fait d’avoir créé un groupe autour de toi a changé ton son et ta façon de composer ?

Pour l’instant, pas vraiment, la musique de l’album est très « studio », la scène n’est pas vraiment ce que je préfère. Elle est d’ailleurs souvent source de frustration. Le son et la production, c’est 50% de l’album et jusqu’à présent, je n’ai pas vraiment réussi à reproduire exactement ce que j’avais en tête avec le live. Malgré le fait que nous jouons avec beaucoup de samples afin que l’expérience soit le plus fidèle possible à l’album, je suis obligé de laisser de côté bon nombre d’idées. Notamment au niveau du visuel et du son. Cependant, l’équipe actuelle est vraiment solide musicalement et le groupe sonne mieux que jamais live. Donc on mise tout sur la solidité de l’interprétation. En espérant à l’avenir pouvoir aller au bout de nos idées.

Tu m’as évoqué les difficultés de faire vivre ta musique, mais c’est un sentiment partagé par beaucoup. Penses-tu que cela soit uniquement dû à la période du Covid ?

Non, je ne pense pas, mais cela les a accentués. La machine ne s’était pas enrayée depuis longtemps et elle peine à se relancer. Certains groupes sont passés entre les mailles du filet, mais j’observe autour de moi, y compris chez moi, un sentiment d’écrasement voire de découragement en ce qui concerne l’avenir dans la musique non mainstream en France. Tout semble bouché. Certains labels ont des délais de 2 ans avant de pouvoir sortir un album, car tout a été retardé à cause du Covid. Certains potes attendent depuis 2 ans de sortir leur disque et doivent attendre encore 1 an avant qu’il puisse voir le jour. J’en profite d’ailleurs pour remercier ici nos deux labels Flippin’ Freaks et Nothing Is Mine de m’avoir tendu la main et d’avoir bossé de fou sur la sortie du disque. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais tenu le coup.

Les petites salles de concert qui ont résisté à la crise et qui ont réussi à ne pas fermer, sont noyées de demandes et semblent le plus souvent ne pas vouloir prendre de risque niveau programmation, sans doute également pour des raisons financières. Ce qui explique que les groupes déjà installés trouvent plus facilement des dates, mais ceux en construction et susceptibles de ramener moins de monde restent sur le bas-côté.

Les dommages collatéraux du Covid se font encore ressentir.

Hodbert Florian